Seule la version orale fait foi !

Excellences, chers participants

En tant que chef du Département fédéral de l'économie, de la formation et de la recherche, je suis particulièrement heureux d'être ici avec vous aujourd'hui. D'une part, nous nous trouvons à l'ETH de Zurich, une institution qui m'est familière en raison de ma fonction. D'autre part, les deux prochains jours seront consacrés aux questions de la coopération économique au développement, une tâche à laquelle le Secrétariat d'Etat à l'économie SECO, qui fait partie de mon département, apporte une contribution importante en renforçant le secteur privé et les conditions-cadres économiques dans les pays en développement.

C'est une chance que nous puissions tenir ce forum ce prestigieux bâtiment. L'ETH est un lieu d'accueil et d'échange où se développent des idées innovantes. C'est précisément l'objectif de ce forum.

Ne vous inquiétez pas, cependant. Vous n'aurez pas à résoudre de formules mathématiques compliquées pendant votre séjour. Vous n'aurez pas non plus besoin de connaissances avancées en physique ou en chimie. Venez simplement avec un esprit ouvert et critique, et laissez-vous inspirer par les discussions et les exposés. L'essentiel est d'établir des contacts avec les autres participants et d'échanger avec eux. Ce forum doit ainsi contribuer à ce que nous trouvions ensemble des solutions aux problèmes urgents de notre époque.

Nous avons tenu à ce que la liste des participants soit diversifiée. Des représentants de la science, du secteur privé, de la société civile et de la coopération internationale sont présents au forum - parmi eux, de nombreux jeunes esprits brillants et pleins d'énergie.

Profitez de cette opportunité ! Elle peut ouvrir la voie à de nouveaux projets innovants qui pourront être plus tard mis en œuvre avec succès dans le cadre de la coopération internationale et qui pourront améliorer durablement la vie de nombreuses personnes. Ce sont là du moins mes vœux. Et j'aurai plaisir, dans dix ans, à ce que vous me confirmiez que les choses se sont effectivement passées ainsi.

Permettez-moi maintenant de jeter un coup d'œil sur le monde. J'étais à Davos en janvier dernier à l'occasion du World Economic Forum et j'ai rencontré différents représentants de gouvernements ainsi que des dirigeants de l'économie privée. Je peux vous assurer que l'ambiance était loin d'y être sereine, car c'est vraiment l'incertitude qui caractérise la vision ambiante de l'avenir. Pourtant, alors que certains l'envisagent avec inquiétude, d'autres se montrent au contraire tout à fait confiants.

Je ne peux évidemment pas vous dire dans quelle direction la situation mondiale va évoluer, mais permettez-moi de développer trois observations sur la situation actuelle :

Premier point : le monde est confronté à des crises multiples. A peine étions-nous en train de nous remettre de la crise du Covid et l'économie mondiale de connaître un rebond de croissance qu'éclatait la guerre en Ukraine. Ce conflit, qui fait rage depuis trois ans maintenant, n'entraîne pas seulement des souffrances incommensurables, il affecte également le commerce international et la croissance économique. Les chaînes d'approvisionnement interrompues ont fait grimper les prix de l'énergie et des matières premières. À cela s'ajoutent des taux d'inflation élevés et un endettement croissant. Cette évolution nous concerne tous encore aujourd'hui. Soudain, en Suisse aussi, le mot inflation s'est trouvé sur toutes les lèvres. Et nous avons dû nous battre. Mais les pays en développement ont été et sont encore bien plus touchés que nous par ces regrettables événements, car leurs économies sont plus fragiles, moins résilientes. Dans certaines régions, de nouvelles guerres ou de vieux conflits font encore rage. Je pense bien sûr au Proche-Orient, au Soudan, mais aussi à l'est du Congo. En tout, plus de 700 millions de personnes dans le monde vivent encore dans une extrême pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 2,15 dollars par jour. Dans un tel climat d'instabilité, les défis sont forcément considérables.

Deuxième point : de nombreux pays en développement se présentent aujourd'hui sur le parquet international avec davantage d'assurance et en étant pleinement conscients de leurs atouts. L'époque où les pays occidentaux donnaient le ton et où tous les autres suivaient docilement est définitivement révolue. Mon dernier voyage au Brésil m'en a apporté la preuve éclatante : sur place, on nous a clairement fait comprendre que l'on n'attendait plus rien de l'Europe. De nombreux pays en développement et émergents souhaitent piloter eux-mêmes les évolutions sociales ou les innovations en matière de décarbonisation ou de traitement de l'eau, par exemple. Des pays comme le Brésil, l'Inde ou les pays d'Asie du Sud-Est ne veulent plus simplement appliquer ce que l'Occident leur propose. Ils veulent prendre leur destin et leurs responsabilités en main, et c'est d'ailleurs très bien ainsi. Cela va de pair avec l'optimisme ambiant que l'on perçoit chez eux. Beaucoup de ces populations, relativement jeunes, envisagent l'avenir de manière plus positive, dans un esprit de renouveau que nous recherchons depuis longtemps sous nos latitudes.

Troisième point : les fonds publics se font rares et la situation financière de nombreux pays est tendue. Les montagnes de dettes s'accumulent dans le monde entier à un rythme inquiétant, en particulier dans certaines économies avancées. Parallèlement, la situation géopolitique exige des dépenses supplémentaires en matière de politique de sécurité. En Suisse aussi, nous sommes confrontés au défi de réduire les dépenses publiques. Certes, nos dettes sont faibles en comparaison, mais nous devons veiller à ne pas nous retrouver dans la même situation que d'autres pays. La crise du Covid a parfaitement illustré à quel point il était important de disposer d'une marge de manœuvre financière. Une situation financière tendue conduit inévitablement à des discussions sur la répartition des ressources. C'est le cas pour de nombreux pays. Là où ils dépensent des fonds publics à l'étranger, la pression politique intérieure augmente pour que les intérêts et les besoins de leur propre population soient davantage pris en compte. Les gouvernements doivent dès lors faire des choix politiques difficiles en ce moment. La coopération internationale est par conséquent directement impactée par cette situation et elle le restera dans les années à venir.

Il est important que nous ne prenions pas de décisions hâtives et que nous renforcions la coopération avec nos pays partenaires là où elle fonctionne bien et où elle s'avère efficace. Mais il n'est pas pour autant sacrilège de questionner notre coopération internationale. Les mots clés à cet égard sont notamment focalisation, meilleure coordination entre les acteurs, augmentation de l'efficacité et mobilisation de fonds privés. En fin de compte, il est dans l'intérêt de tous, y compris des pays en développement, que les économies avancées reprennent le contrôle de leurs finances et que l'économie mondiale reste stable.

Voilà pour la situation mondiale. La question est maintenant de savoir quel rôle la coopération économique suisse au développement peut jouer dans ce contexte.

Comme c'est le cas dans la politique industrielle et économique, nous voulons que la coopération économique au développement soit guidée par des principes libéraux tels que le libre-échange, l'initiative individuelle et de bonnes conditions-cadres. La Suisse, petit pays enclavé et pauvre en ressources, est devenue forte et prospère grâce à ces principes. Nous voulons promouvoir l'esprit d'entreprise et la responsabilité individuelle, et non miser prioritairement sur l'intervention de l'État.

Il ne s'agit pas de laisser les pays en développement livrés à leur sort. Les inégalités entre les pays ou au sein des pays créent des tensions sociales et de l'instabilité. C'est pourquoi nous avons également développé en Suisse des instruments spécifiques destinés à compenser les inégalités. Je pense par exemple à la politique régionale ou à la péréquation financière nationale. Mais l'objectif principal reste de créer des conditions-cadres permettant aux personnes et aux entreprises d'exploiter leur potentiel économique de manière autonome et sans soutien de l'État. C'est le travail de base que réalise la coopération économique au développement de la Suisse à l'étranger.

En fin de compte, la Suisse en profite aussi à l'intérieur de ses frontières. La prospérité de la Suisse, pays orienté par la force des choses vers l'exportation, dépend d'un ordre mondial stable, basé sur des règles, avec des marchés ouverts et une politique commerciale libérale. Des chaînes de valeur mondiales diversifiées et stables sont une condition préalable à notre sécurité d'approvisionnement et à notre économie d'exportation.

De nombreuses entreprises suisses souhaitent par exemple se diversifier en Asie et cherchent un deuxième site en dehors de la Chine. Des pays comme le Vietnam ou l'Indonésie sont idéaux pour cela, où la coopération économique au développement de la Suisse crée depuis des années de meilleures conditions-cadres pour les entreprises et ouvre ainsi la voie aux investissements suisses et au commerce bilatéral.

La coopération économique sert donc aussi de porte d'entrée pour de bonnes relations économiques bilatérales avec des économies émergentes, et ce dans l'intérêt de la politique économique extérieure de la Suisse. Ma devise est la suivante : la Suisse ne pourra rester prospère que si elle diversifie ses relations commerciales et élargit ses horizons. Dans le contexte géopolitique actuel, nous devrions nous positionner en tant qu'acteur indépendant entre les puissances économiques établies.

Je suis fermement convaincu que la mondialisation n'est pas terminée, comme le montrent d'ailleurs clairement les chiffres actuels du commerce. Les mesures de protection telles que les droits de douane élevés, les restrictions à l'importation ou à l'exportation, les stratégies de near-shoring [délocalisation dans un pays proche] ou de friendshoring [délocalisation dans un pays ami] ne pourront pas arrêter la concurrence mondiale. Peut-être que certains développements seront retardés, mais les innovations qui en résulteront seront d'autant plus autonomes. L'innovation et la compétition sont inarrêtables !

Dans ces efforts, le secteur privé joue un rôle central. On trouve des entreprises dynamiques et innovantes partout dans le monde. Ces dernières stimulent la concurrence autour d'idées au service d'un développement durable, elles favorisent la croissance économique et créent des emplois.

En travaillant avec le secteur privé local ou suisse pour atteindre ensemble des objectifs de développement, la coopération économique doit mobiliser des ressources financières supplémentaires. Cela permet de multiplier l'impact des fonds publics, ce qui est d'autant plus important dans la situation actuelle, alors que la marge de manœuvre des finances publiques est restreinte.

Demain matin, une discussion intéressante aura lieu dans cette même salle sur la manière dont la place financière suisse peut agir de façon encore plus durable. Je vous invite vivement à y participer.

Nous avons plus que jamais besoin de ce levier du secteur privé en Ukraine : la reconstruction est une tâche herculéenne qui dépasse de loin les moyens de la coopération internationale. C'est pourquoi le Conseil fédéral a décidé d'associer le secteur privé suisse à la reconstruction de ce ce pays. Une enveloppe de 500 millions de francs est prévue à cet effet.

Les besoins de l'Ukraine constituent la base de notre action. Les priorités de ce pays dévasté par la guerre sont, s'agissant de sa reconstruction, parfaitement complémentaires des compétences de l'industrie suisse. Dans le cadre de nos travaux, nous nous concentrerons sur la modernisation des infrastructures de base dans les domaines de l'énergie, de l'eau et des transports publics.

Dans le cadre du forum, nous discuterons également en détail des possibilités qui s'offrent au secteur privé dans ce vaste effort. Venez nous rendre visite demain après-midi, lorsque Mme la Secrétaire d'État Helene Budliger et le délégué du Conseil fédéral pour l'Ukraine, Jacques Gerber, s'entretiendront de ce sujet avec d'autres invités.

Permettez-moi de conclure par la remarque suivante : je suis convaincu que la promotion de conditions-cadres et d'investissements mutuels est le meilleur moyen de lutter contre la pauvreté mondiale. Un pays ne peut se développer durablement que si les économies - et pas seulement les États - coopèrent entre eux. Cette coopération internationale se fait sur un pied d'égalité, et c'est exactement ce que nos pays partenaires attendent de nous.

Je vous remercie de votre attention.

Une économie saine, pour mieux servir la coopération internationale