L’ouverture, fondement de l’identité suisse

Berne, 19.05.2016 - Discours du président de la Confédération Johann N. Schneider- Ammann, chef du Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche Forum des 100 de l’Hebdo

Mesdames et Messieurs les Conseillers d’Etat,
Mesdames et Messieurs les parlementaires fédéraux,
Monsieur le Secrétaire d’Etat,

Mesdames et Messieurs,

Chers amis,

C’est un honneur d’être parmi vous, parmi les cent – d’être un des Suisses alémaniques parmi toutes ces personnalités de premier-plan de la Romandie, des personnalités qui font la Suisse.

Mesdames et Messieurs,

Je ne sais pas combien de personnes dans cette salle peuvent se rappeler des mots :

« We stand today on the edge of a New Frontier — the frontier of the 1960s, the frontier of unknown opportunities and perils, the frontier of unfilled hopes and unfilled threats... Beyond that frontier are uncharted areas of science and space, unsolved problems of peace and war, unconquered problems of ignorance and prejudice, unanswered questions of poverty and surplus. »

Oui, John F. Kennedy a prononcé ces mots lors du discours d’inauguration de sa présidence en 1960.

Des mots qui ont marqué une époque. Le nouveau président la voulait ambitieuse, optimiste : les Etats-Unis voulaient conquérir les étoiles et éradiquer la pauvreté, tenir le totalitarisme en échec.

En décrivant les territoires qui se trouvaient au-delà de cette Nouvelle frontière, Kennedy a parfaitement compris ce qu’elle peut marquer : l’inconnu, le risque, les périls. Mais il a aussi immédiatement exorcisé ces menaces en parlant d’espoirs et d’opportunités à saisir et à réaliser.

En choisissant les « Nouvelle frontières » comme thème, les organisateurs de votre forum jouent sur cette double signification : nouvelles barrières contre l’étranger, contre le danger et le risque, afin de protéger une communauté et son identité. 
 
Mais aussi nouveaux territoires à défricher et à conquérir, de nouvelles chances à saisir.

Force est de constater qu’aujourd’hui, les frontières de barbelés prennent le dessus. Le terrain semble se réduire comme peau de chagrin pour les esprits pionniers. On préfère de plus en plus la défense de l’identité communautaire à l’espace dans lequel le génie humain peut se déployer.

Soyons clairs : notre pays ne peut, ni ne doit accueillir tous les migrants qui cherchent à fuir leur pays. Ce n’est du moins pas mon propos.

Mais je constate que le phénomène migratoire devient le prétexte de toutes les crispations et de toutes les fermetures, qui, peu à peu, sapent les fondements de notre prospérité.

Mesdames et Messieurs,

Je reste persuadé que la défense de notre communauté nationale  n’a pas besoin de fermeture,  mais peut être au contraire fondée sur l’ouverture économique et scientifique. En dépit de tout ce qu’on reproche parfois à la Suisse sur ce terrain, notre pays reste pour l’essentiel ouvert. Mieux : l’ouverture est un des piliers de notre identité nationale.

Et cela remonte à loin. Je m’explique.

Le 1 juin, j’aurai l’honneur d’inaugurer aux côtés des chefs d’Etat et de gouvernements de nos pays voisins et de mes collègues du Conseil fédéral le nouveau tunnel ferroviaire du Gothard. C’est certainement un événement qui marquera ce siècle, notre pays, mais aussi l’Europe
toute entière.

La présence du président François Hollande, de la chancelière Angela Merkel, du président du Conseil Matteo Renzi témoignent qu’il s’agit d’un événement qui dépasse de loin nos frontières. Il constitue une contribution substantielle à l’entente européenne et à l’ouverture de notre pays.

C’est aussi l’occasion de nous rappeler que l’ouverture du col du St-Gothard au XIIIe siècle, en reliant l’Europe du Nord à l’Italie, a jeté les bases d’une nouvelle prospérité dans les terres autour du lac des Quatre-Cantons.

Une nouvelle prospérité qui a suscité à son tour l’alliance des Waldstätten, pierre de touche de la Confédération qui allait naître.

Le Gothard, c’est le geste d’ouverture qui est à la base de la Suisse originelle. Ouverture dont bénéficiera le Plateau à mesure que les routes commerciales se multiplient et que leurs bénéfices s’étendent de plus en plus dans une Suisse en plein devenir.

Le Gothard du XIIIe siècle, mais aussi le premier tunnel percé en 1882 sous l’impulsion du visionnaire Alfred Escher, comme le Gottardo 2016 le démontrent: l’ouverture peut transcender l’identité d’un pays.

Je suis persuadé que le nouvel axe que nous avons tracé dans le Gothard contribuera une fois encore à notre prospérité, mais aussi à celle de nos voisins et de l’Europe.

Et ce qui était vrai hier, l’est aussi aujourd’hui seule une Suisse véritablement unie, ouverte et, - grâce à cela - prospère, peut vivre avec l’Europe et en Europe en Etat souverain, sans être membre de l’UE.

C’est seulement lorsque l’ouverture et la prospérité qu’elle engendre disparaissent qu’on risque son indépendance, sa souveraineté.

Or, nous voulons rester souverains. Nous voulons rester indépendants

Mesdames et Messieurs,

Les signes d’affaiblissement de l’esprit d’ouverture se multiplient :

  • Le protectionnisme commercial s’est à nouveau insinué dans le discours public ;
  • L’OMC a de la peine à trouver un nouvel élan ;
  • Les partis nationalistes et populistes, en Europe et au-delà, renforcent leur influence ;
  • Le scepticisme à l’égard d’accords de libre-échange (TTIP, TISA) et des institutions multilatérales s’accroît.

La Suisse n’est pas immunisée contre ces mouvements. De loin pas !

Or, à mes yeux, les Nouvelles frontières ne doivent pas être de nouvelles barrières. Nous avons trop besoin de nos partenaires étrangers pour continuer à développer notre économie.

Je pense évidemment à Horizon 2020, je pense à ce que nous réserve TTIP, je pense au développement de notre réseau d’accords de libre-échange, et je pense enfin plus généralement à la nécessité vitale de préserver nos accords bilatéraux avec l’UE.

Chers amis,

Si nous voulons vraiment penser Nouvelles frontières, nous devons penser comme John F. Kennedy : à de nouveaux territoires ouverts à l’ingéniosité humaine. Pas à des murs !

La digitalisation en est un bon exemple. Grâce aux nouvelles opportunités qu’elle offre, les esprits les plus entreprenants – et je pense tout d’abord à nos jeunes - ont des possibilités inespérées de créer leurs propres entreprises.

Ils doivent pouvoir saisir cette chance. Nous n’avons pas le droit de limiter leur horizon.

Après une éclipse durant les années 1980 et 1990 le futur optimiste dont on rêvait dans les années 1960 est de retour : il ne se passe pas un jour sans qu’on annonce de nouveaux développements des technologies de l’information, - mais aussi dans les biotechnologies ou les matériaux.

Ce retour du futur nous fait rêver. Mais il nous met aussi au défi de repenser notre économie si nous voulons rester dans le peloton de tête des économies les plus innovatrices et les plus compétitives.

C’est seulement ainsi que nous pourrons développer de nouvelles places de travail, plus intéressantes, plus satisfaisantes que celles que le développement technologique  - et les robots ! - rendront inévitablement obsolètes.

Et c’est seulement ainsi que nous ouvrirons des perspectives au plus grand nombre de notre population, qu’ils soient jeunes où plus… expérimentés.

Pour cela nous devons garder les innovateurs chez nous. L’Etat doit jouer son rôle en créant des espaces de liberté où l’esprit d’entreprise peut se déployer. Etrangler AirBnB ou Uber à coups de réglementations n’est certainement pas la bonne voie.

Mesdames et Messieurs,

Le Conseil fédéral a publié en avril dernier sa nouvelle « Stratégie Suisse numérique ». Il veut promouvoir la créativité dans ce domaine et compte sur l’initiative privée. Il s’agit de la mobiliser.

Un seul exemple : nous menons actuellement d’intenses discussions pour inciter au lancement de fonds de financements privés. Un seul but : que les start-up réussissent le passage à la vraie entreprise.

L’Etat n’y participera pas. Mais nous veillons à ce que les investisseurs privés trouvent les meilleures conditions cadres qui leur permettre de mettre en œuvre de telles initiatives.

De tels efforts privés complètent utilement les efforts consentis par la Confédération par l’intermédiaire de la Commission de technologie et d’innovation (CTI).

Chers amis,
Permettez-moi une petite parenthèse. Je vous le dis ici : ceux qui prétendent que je resterais indifférent aux besoins de notre industrie ont tort.

Cela fait plus de 35 ans que je lutte afin que la Suisse ne se désindustrialise pas. Mes motivations sont claires :

  • non, je ne veux pas qu’un jeune sur quatre soit au chômage
  • et non, je ne veux pas des risques d’émeutes que cela engendre.

Par contre oui, je le confirme : ma méthode n’est pas une politique industrielle interventionniste. Je soigne plutôt d’innombrables contacts informels pour inciter entreprises et entrepreneurs privés à se prendre en charge, à prendre leurs responsabilités.

Il paraît que cela s’appelle le « nudging ». Un terme à la mode, mais c’est ce que j’ai toujours fait : Le Campus Biotech et le maintien de Novartis à Prangins doivent certainement quelque chose à ce « nudging ».

Mais pour que le « nudging » puisse fonctionner, il faut que tout le monde garde l’esprit ouvert et l’œil fermement rivé sur les Nouvelles frontières.

Celles qui promettent de nouveaux marchés, de nouvelles idées, de nouvelles innovations et des places de travail pour le plus grand nombre.

Si nous nous laissons effrayer, si nous nous laissons tenter par les barrières, les barbelés et la bureaucratie, nous trahissons l’esprit « Gottardo ».

Un esprit qui a fait la force des Waldstätten qui sont à l’origine de notre pays. Ou d’un Alfred Escher, ce co-fondateur de la Suisse moderne.

Pour terminer, je vous pose la question : voulons-nous renier cet héritage d’ouverture ? Moi pas.  Moi définitivement pas ! Et j’en suis persuadé : vous non plus.  Alors nous aussi, nous devons garder l’esprit « Gottardo ».

Nous devons voir les territoires derrière les Nouvelles frontières plutôt que de créer de nouvelles barrières. Je suis persuadé que la Suisse de demain nous en saura gré.

Merci de votre attention.
 

La parole prononcée fait foi.


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